600 000 à 1 million de renards sont tués chaque année en France. Leur statut de « nuisibles » leur vaut d’être détruits  par tir, piégeage et déterrage toute l’année, sur la quasi-totalité du territoire, par des méthodes barbares injustifiées. Et pour quel motif ?

« Pour le chasseur, le renard est un destructeur de gibier et de volaille, donc un ennemi que l’on cherche à anéantir par tous les moyens » explique-t-on sur la fiche renard du magazine Chassepassion.net. Les chasseurs leur reprochent essentiellement de leur faire concurrence en prélevant à leur place. Ces quelques 20 millions d’animaux, peu adaptés à la vie sauvage, sont des proies faciles pour les renards qui y voient un bon moyen de se nourrir en économisant leurs forces. Ils attaquent aussi les animaux de basse-cour non protégés.

On raconte aussi qu’ils seraient porteurs de zoonoses, maladies transmissibles à l’homme et vice versa. On ne peut plus les accuser de transmettre la rage puisqu’elle a disparu en France fin des années 90 ou début 2000. Il reste donc essentiellement l’échinococcose, une maladie due à un ver plat, pouvant se transmettre à l’homme où il se développe dans le foie.

Alors vraiment nuisibles les renards ? AU CONTRAIRE, ce sont de précieux alliés des agriculteurs et de la nature.

 

Est-il utile de tuer les renards ?

Chez les renards, la proportion de femelles gestantes et le nombre de petits par portée dépendent des ressources alimentaires présentes et du territoire disponible. Sa démographie s’adapte à celle de ses proies (Richard Blackbourn).

Des chercheurs de l’université de Bristol ont mesuré l’impact de l’arrêt de la chasse et du piégeage du renard. Ils ont démontré que l’arrêt de la destruction des renards n’avait pas été suivi d’une augmentation de leur population.

 

Le renard, un ami très utile

De nombreux travaux d’éthologie et d’écologie montrent que la réputation de prédateur nuisible des renards est aujourd’hui dépassée.

 

Un partenaire indispensable des agriculteurs

Avec une consommation de de 3000 à 5500 campagnols par an, les renards limitent leur rôle de ravageur vis-à-vis des céréales et des prairies mais aussi de la forêt en s’attaquant aux campagnols sylvestres (report de prédation). Agriculteur à Chapelle-d’Huin, près de Pontarlier, Michel Pritzy avance même des arguments économiques : « Dans notre ferme familiale où nos vaches produisent du lait à comté, nous avons une obligation de pâturage et notre ennemi, c’est le campagnol qui, lorsqu’il prolifère, réduit les prairies à du caillou. » Les chiffres parlent d’eux-mêmes : toute pullulation de campagnols représente jusqu’à 10 000 € de perte par exploitation. Or, les traitements s’étant avérés inefficaces et même dangereux pour les terres (et donc l’appellation AOC), Michel Pritzy a pris conseil auprès de certains anciens qui lui ont demandé de ménager les renards (ou l’hermine, plus rare). « Et quand je croise un renard, je lui dis merci pour le boulot qu’il fait en éradiquant les campagnols, protégeant ainsi nos récoltes sans avoir besoin de produits chimiques. »

 

Très peu de dégâts auprès des éleveurs

Contrairement à ce que croient certains éleveurs, les renards ne s’attaquent pas aux agneaux, chevreaux et autres veaux nés dans les prairies. En revanche, ils jouent un rôle d’épuration en débarrassant les placentas.

Quant à la réputation des renards « mangeurs de poules », s’il existe il est dérisoire, car ils ne s’attaquent pas aux grands élevages avicoles protégés de toute forme de prédations extérieures. Certes, ils peuvent croquer quelques volatiles ici où là, mais dans des élevages dits familiaux, dont les parcs et les poulaillers sont le plus souvent inexistants ou inadaptés.

 

Equarisseur gratuit, mais également mésoprédateur équarisseur

En hiver, les renards sont souvent dépendants de cadavres (animaux écrasés ou mort de faiblesse ou de maladie). Ils assurent ainsi des fonctions d’équarrissage. Leur capacité de report de prédations se tourne, suivant la pullulation de rongeurs qui reste leur bol alimentaire principal, vers des proies moins nobles. Plus généralement, les renards éliminent dans la nature les individus malades, faibles, blessés, évitant pullulations et épidémies.  Cette sélection contribue à l’assainissement des populations des autres espèces.
Ils jouent également un rôle dispersif par rapport à certaines proies (lapins), les empêchant ainsi de détruire totalement leur environnement.

 

Le renard joue aussi un rôle de dissémination de graines !

Les renards roux complètent leur régime alimentaire notamment par des fruits et des baies quand ces ressources sont abondantes. Il est facile d’ailleurs de le constater en observant des crottes de renard à certaines périodes de l’année. Ils jouent un rôle important dans la dissémination des graines et contribuent à la diversité des arbres et arbustes des paysages ruraux

Certaines de ces espèces végétales qu’ils disséminent ont par ailleurs non seulement une valeur paysagère et patrimoniale mais également une valeur économique si l’on considère par exemple le prix du bois de merisier. Le renard roux rend, là encore, un service écologique appréciable.

 

Le renard, vecteur de santé

La maladie de Lyme est transmise à l’homme via des tiques qui ont été contaminées par des micromammifères porteurs de la maladie tels que les campagnols ou les mulots. A travers leurs activités de prédation sur ces micromammifères, le renard, la fouine ou l’hermine permettent de limiter la propagation de la maladie de Lyme chez l’homme. « Plus il y a de renards, plus les campagnols, porteurs potentiels de la maladie, ont peur et se tiennent en sous-sol », explique Fabien Gréban, photographe animalier professionnel « de sorte qu’ils sont moins infectés par les tiques. D’où des risques nettement plus faibles pour l’homme de contracter la maladie. » C’est aussi la conclusion de deux études conduites l’une aux Etats-Unisl’autre en Hollande.

 

 

 Figure 2 : illustration de l’effet cascade (d’après Hofmeestrer et al., 2017)

En ce qui concerne la transmission de l’échinococoose, Dominique Michelat, naturaliste et professeur, cite une étude sur 4 ans menée dans la région de Nancy, qui a démontré que « non seulement, le fait de tuer des renards ne diminue pas le nombre de ceux porteurs de la maladie mais il tend à l’augmenter.

Car tuer des renards, souvent adultes, provoque un déséquilibre en faveur des jeunes qui se reproduisent d’avantage mais sont aussi plus porteurs de la maladie (85 %) du fait de leur système immunitaire moins développé. Ils présentent donc plus de risques pour la santé publique. »

En Allemagne, des appâts contenant du Praziquantel ont été déposés dans un secteur où 34% des renards étaient contaminés. 14 mois plus tard, seuls 4% des renards étaient encore infectés…

En l’état actuel des connaissances, aucune problématique de santé publique ne justifie le classement nuisible du renard. Aucun critère de menace à la sécurité publique à retenir pour cette espèce autochtone.

Le choix de classer le renard comme nuisible ne prend pas en compte les travaux scientifiques. Dans une note, l’ONCFS reconnaît ne pas travailler sur l’impact des prédateurs sur les micromammifères et pourtant c’est bien sur une note de l’ONCFS que s’appuie des CDCFS et des DDT pour donner des avis et arrêtés visant non seulement à classer le renard nuisible mais également à promulguer des arrêtés préfectoraux autorisant la destruction par tirs de nuit.

Les Commissions Départementales de Chasse et de Faune Sauvage (CDCFS) qui proposent ce classement de « renard roux nuisible » sont composées majoritairement d’acteurs du monde cynégétique.

Changeons notre regard sur le renard. Sortons-le de la catégorie des nuisibles et protégeons-le, dans l’intérêt de tous.

Références bibiographiques

Artois M. et Stahl P. 1991. Absence of dietary reponse in the fox Vulpes vulpes to variations in the abundance of rodents in Lorraine. In B. Bobeck

Sargeant AB. 1978. Fos prey demands and implications to prairie duck production. 

Speakman J.R. 1999. The Cost of Living: Field Metabolic Rates of Small Mammals. . Advances in Ecological Research    30 : 177-297

Travaux de Serafini et Lovari, 1993 ; Grünewald et al., 2010 ; Guitián et Munilla I. 2010 ; Lopez-Bao et Gonzalez-Varo, 2011)

Note de Ruette et al., 2015

Interviews

François vétérinaire naturaliste et président d’honneur de la SFEPM – La Croix le 8/05/2017

Dossier

http://www.renard-roux.fr

Collectif renard Doubs

 

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