Vous avez sûrement entendu parler des ESOD, espèces susceptibles d’occasionner des dégâts, nouveau terme politiquement correct utilisé pour remplacer « les nuisibles ». Le renard, la fouine, la belette, le geai des chênes, la martre ou encore la pie bavarde en font partie. Mais savez-vous seulement comment se déroule le processus qui liste tous les 3 ans, par département, les espèces considérées comme des ESOD, espèces qui pourront ainsi être détruites toute l’année selon des méthodes cruelles?

Cela fait plus d’un an qu’Animal Cross travaille activement sur la thématique ESOD pour apporter un éclairage sur la manière dont sont classées les espèces ESOD et les conclusions sont des plus choquantes.

  • Tout d’abord, il faut savoir que le sort des ESOD est décidé tous les 3 ans et pour 3 ans au sein de la formation spécialisée nuisible des Commissions Départementales de la Chasse et de la Faune Sauvage (CDCFS) depuis 2012. Or, depuis cette année-là, aucune étude n’a été réalisée à notre connaissance pour évaluer l’efficacité des mesures létales donc mortelles appliquées pour réduire les dégâts attribués à la faune sauvage. Une procédure est donc mise en place par le gouvernement mais aucune évaluation de celle-ci n’est réalisée alors même qu’elle conduit chaque année à la mort de plus d’un million d’animaux !
  • La composition des commissions CDCFS qui fixent les listes d’ESOD est réglementée. Or, dans certains départements, les règles ne sont pas respectées et l’on observe la participation supplémentaire aux réunions de certains représentants du monde de la chasse avec une liberté de prise de parole ce qui peut compromettre l’indépendance de cette formation spécialisée et influence les avis de cette commission.
  • L’inscription d’une espèce à la liste des ESOD est censée être conditionnée à l’observation de dégâts significatifs et avérés. Or, le procédé d’évaluation des dégâts ne repose sur aucune évaluation objective (absence de fiches de dégâts ou fiches partiellement remplies, absence de contrôle sur le terrain des dégâts reportés, absence de vérification de l’existence de moyens de protection, etc).
  • De plus, les méthodes alternatives aux méthodes létales ne sont pas considérées alors même qu’une note de service du ministère chargé de l’environnement et que la Directive Oiseaux Européenne imposent l’évaluation de l’existence de ces méthodes alternatives.
  • Les services écosystémiques rendus par ces espèces ne sont pas pris en compte. Dans son livre publié en 2019, et dans une série de publications, Animal Cross avait déjà souligné nombre de bienfaits apportés gracieusement et naturellement par ces animaux  tristement qualifiés de “nuisibles” [1]. C’est ce que font aussi des associations depuis de nombreuses années: l’ASPAS (colloque “renard” de mai 2017), la SFEPM, la SAPN-FNE des Hautes Alpes et tant d’autres. Même la DREAL de Haute-Normandie a vanté les services écosystémiques rendus par les mustélidés.

Ne pouvant rester sans agir, l’association Animal Cross a mis en place et soutenu plusieurs actions :

  • Création d’un groupe de travail sur la région Auvergne-Rhône-Alpes avec pour membres les représentants des associations de protection de la nature (APN) qui siègent au sein des commissions ESOD.
  • Mise en place d’une plateforme documentaire permettant une mise en commun des documents qui permettront aux représentants des APN de cette région de préparer les dossiers visant à défendre les ESOD lors des prochaines commissions qui se dérouleront en 2022. De nombreux documents qui s’appuient sur des études de terrain permettent en effet d’apporter un autre regard sur les espèces considérées comme ESOD et de démontrer l’importance des services écosystémiques rendus par ces espèces [2, 3]. D’autres documents prouvent que les dégâts reprochés à certaines de ces espèces pourraient être évités via la mise en place de mesures de protection adéquates [4].
  • Remise en question de la réglementation en vigueur et son application avec demande d’une évaluation objective des points soulevés par les institutions publiques. De cette initiative, démarrée dans la région Grand Est et adaptée à notre collectif en région Auvergne-Rhône-Alpes, est née une requête qui a été rédigée pour souligner les points critiqués précédemment. Ce document a été envoyé par les représentants APN de nombreux départements à leurs élus députés/sénateurs avec comme demande l’interpellation du Ministère de la Transition Ecologique (MTE) pour une mise en place au plus vite de l’évaluation objective souhaitée de la réglementation et son application avant la prochaine échéance de classement des ESOD. Cette action est entrain de s’étendre à d’autres départements.

Et la suite ?

A ce jour, deux questions écrites au gouvernement sur les problèmes mentionnés, rédigées  il y a plus de 14 mois  par les députés Xavier Paluszkiewicz et Dominique Potier sont restées sans réponse alors même que le gouvernement se doit de répondre dans un délai d’un mois. De même, nous n’avons eu aucun retour suite à l’envoi direct de notre requête au MTE.

Nous souhaitons donc donner plus de lumière à notre action pour que le gouvernement prenne enfin en compte notre requête et mette en place l’évaluation objective souhaitée de la réglementation et son application et pour que le grand public ait enfin connaissance de ce qui se trame au sein de ces commissions.

Une pétition est en ligne : https://www.mesopinions.com/petition/animaux/evaluation-reglementation-animaux-dits-nuisibles/147791

[1] La fouine, le mustélidé le plus piégé de France – Animal Cross (animal-cross.org)La martre, une cousine forestière de la fouine – Animal Cross (animal-cross.org)Corbeaux et corneilles : nuisibles ou auxiliaires bénéfiques de la nature ? – Animal Cross (animal-cross.org), etc … 

[2] Analyses des observations figurant dans notre base de données et propositions de la LPO Haute-Savoie concernant les propositions de classement des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts ou non. 2018. P.Favet et JP Materac

[3] Contribution du Réseau Écologie Nature Haute-Loire (REN 43) à la définition de la liste des espèces classées « susceptibles d’occasionner des dégâts ». 2018

[4] Résultats de l’enquête sur l’élevage des basses-cours en Haute Savoie et la prédation s’y rapportant. 2014. Philippe Favet.

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