Le Sanglier fait la une des actualités à cause des dégâts qu’il occasionne, sur les cultures, dans les forêts ou lors de collisions routières. Mais comment en est-on arrivé là ?
S’il existait, en France, à peine quelques dizaines de milliers de Sangliers dans les années 60, on en dénombre plus de 1 million depuis les années 2000. Une explosion soudaine qui s’explique par de nombreuses raisons.

 

Côté chasseurs d’abord :

Avec la raréfaction des petits animaux de plaine, due en grande partie à l’agriculture intensive, les chasseurs ont renforcé leur intérêt pour les Sangliers.
Des dizaines de milliers de Sangliers d’élevage, croisés avec des porcs, ont été lâchés dans plusieurs départements. Leur poids moyen a fortement augmenté, leur taux de fécondité, au moins doublé, leur taux de croissance a triplé, leur maturité sexuelle s’est trouvée avancée.
Le taux d’accroissement des populations étant d’environ 100 % dans la nature, nous sommes passés de 50 000 Sangliers abattus en 1975 à environ 70 0 000 aujourd’hui (1)…

Les Sangliers ont ensuite été nourris par les chasseurs, on appelle cela l’agrainage. Et cela perdure aujourd’hui. La raison officielle est d’éloigner les Sangliers des cultures. Mais on a vu à maintes reprises que cela ne fonctionne pas vraiment. Le gros intérêt pour les chasseurs est d’avoir des proies à portée de fusil.

Par ailleurs les chasseurs se sont débrouillés pour épargner les femelles reproductrices.
En effet, le prix d’un terrain de chasse est d’autant plus élevé qu’il compte une grande densité de Sangliers… « Sangliers, Chevreuils et Cerfs ne sont pas vraiment les bienvenus dans nos forêts, notamment dans les pépinières ou les parcelles en régénération, mais ils contribuent, via les locations de chasse, à rentabiliser une bonne partie de la forêt privée française », reconnaît cette propriétaire de 150 hectares de chênes, hêtres et résineux dans l’Orne (2). (…) « Dans certaines forêts d’Alsace ou de Sologne, la location du droit de chasse engendre de l’ordre de 25 à 30 % des revenus de la forêt privée, explique Bernard Fischesser, ingénieur forestier au Cemagref.

« La chasse est devenue l’objectif prioritaire, avant la production de bois », poursuit-il. Ce choix implique souvent des aménagements particuliers : clairières, cultures à « gibier » ou taillis pour que les animaux puissent se nourrir, installation de points d’eau, voire nourrissage artificiel – l’agrainage – avec distribution de graines de céréales2. « Sans s’ennuyer avec les chiffres, on peut se faire une idée de l’importance économique et industrielle de la chasse de divertissement en France. On y arrive tout simplement en feuilletant une revue de chasseurs.(…) On comprend facilement, par la quantité et la diversité des marchandises produites et proposées à la vente par les nombreuses industries gravitant autour de la chasse, qu’il faut un minimum « suffisant » de Sangliers à tuer, pour satisfaire tout le monde ; à la fois l’activité récréative des valeureux chasseurs et les nombreuses activités de dimensions industrielles (3). »

Côté agriculteurs ensuite :

Les agriculteurs sont eux aussi à l’origine de la multiplication des sangliers. Le développement des cultures intensives de maïs a profité aux sangliers qui en raffolent. Notons que ces derniers se nourrissent surtout des jeunes pousses, car la plante n’exerce plus d’attraction, pour lui, après sa germination au stade « vert », à moins que le sol ne contienne une nourriture souterraine intéressante, comme des larves par exemple (4) !
Et surtout, les agriculteurs tolèrent les dégâts causés par les sangliers dans les cultures, grâce à l’indemnisation automatique versée par les chasseurs.
Ajoutons à cela le réchauffement climatique, qui permet aux sangliers de mieux résister à l’hiver, et l’éradication de ses prédateurs naturels comme le loup.
Du point de vue réglementation, le sanglier est chassable mais il peut aussi être classé comme espèce pouvant « occasionner des dégâts » par le préfet, après avis du Conseil Départemental de la Chasse et de la Faune Sauvage (CDCFS).
Trop nombreux certes, et on a compris pourquoi, les sangliers sont-ils réellement des animaux « nuisibles »?

 

Les Sangliers : les jardiniers de la forêt

Ils participent au bon état sanitaire des écosystèmes

Dans les vieux livres naturalistes sur la vie de la forêt, le Sanglier était présenté comme un des « jardiniers de la forêt », un titre véritablement honorifique. Par le simple fait de son activité alimentaire, on en faisait même un « protecteur de la santé des arbres (5) ».
En effet, les Sangliers éliminent de nombreuses larves d’insectes néfastes pour les arbres et les cultures.
Un seul Sanglier peut nettoyer de ses parasites 100 m² de sol par jour. Il s’attaque notamment aux larves de hannetons, très voraces sur les cultures et les racines dont elles se nourrissent goulûment durant 3 ans, ou aux insectes xylophages, comme les chenilles processionnaires dont on a tant de mal à se débarrasser (⁶).
En Pologne, toute chasse au Sanglier est interdite dès que certaines espèces de lépidoptères (insectes) se répandent. « La menace que ces parasites représentent pour les arbres est alors efficacement écartée », indique M. Libois, scientifique à l’université de Liège.
Par ailleurs, comme le Sanglier est nécrophage, il joue un rôle sanitaire en évitant que des cadavres de petits animaux ne viennent polluer les eaux de surface.

Ils régénèrent la nature

En grattant et retournant la terre et aussi par le biais de leurs déjections, ils introduisent de l’humus et de l’azote dans le sol, aèrent la terre et luttent contre son tassement, ce qui favorise notamment la germination et facilite la pénétration de l’eau dans les sols⁶. « Eh oui, … les Sangliers imposent la jachère aux agriculteurs !!!! », explique Dominique Lang dans le journal La Croix (⁷).
On a aussi constaté qu’en consommant les racines des arbres présentes en surface, le Sanglier permet un meilleur développement des racines profondes, rendant les arbres plus résistants au vent.

Ils enrichissent les paysages via la dissémination de graines

Les Sangliers jouent un rôle insoupçonné dans la dynamique forestière en transportant des graines (épizoochorie), participant ainsi à la richesse de nos paysages (⁸). C’est la découverte d’une équipe de chercheurs spécialisés dans l’étude des forêts et rattachée à l’INRA et au IRSTEA (⁹).
Quand les Sangliers creusent leur souille puis s’y roulent, et quand ils se frottent sur les gros troncs, ils se débarrassent de leurs parasites, mais contribuent aussi à disperser des spores et diaspores parfois enfouies il y a des décennies voire des siècles, et qui peuvent avoir conservé leurs propriétés germinatives. Ils jouent donc un rôle dans la résilience écologique de la forêt après les chablis et incendies ou d’autres perturbations.

 

Notre demande

Stopper toute action multipliant les Sangliers : agrainage, lâchers de Sangliers d’élevage, croisements cochons et Sangliers.
Reconnaître le rôle écologique du Sanglier. Il participe au bon état sanitaire des écosystèmes.

 

Sources
(1) Le Courrier de la nature, n°267 de mars 2012. pp. 6-9
par Pierre Jouventin, longtemps Directeur de recherche CNRS en éthologie des animaux sauvages & Directeur du laboratoire CNRS d’écologie, membre du Conseil Scientifique de la Réserve Nationale de Camargue
(2) La Croix – Chasseurs et forestiers vont devoir cohabiter, par Denis Sergent le 15/10/2010
(3) Le sanglier, ennemi du peuple et bête noire du BTP – Jean-Marc Sérékian (2010) sur Carfree le 7/04/2010
(4) La consommation des vers de terre par le sanglier – Revue faune sauvage n°283 janvier 2009 Eric Baubet, Serge Brandt, C. Fournier-Chambrillon ONCFS, CNERA Cervidés-Sanglier.
(5) Bernard Fischesser « La Vie de la Forêt » Ed. Horizon 1970
(6) www.dehondt-desmets.fr Les animaux susceptibles d’être classés nuisibles en France
(7) Dominique Lang « La Croix » le 21 /02 /2017
(8) Sanglier et compagnie/10-1999/SFPNP/état de Geneves.ch
INRA rapport scientifique final agriconnect – Epizoochorie : les sangliers et les cerfs sont utiles à nos forêts – 5 mars 2011
(9) Plant Ecology, février 2011
Do wild ungulates contribute to the dispersal of vascular plants in central European forests by epizoochory? A case study in NE Germany. T. HEINKEN and D. RAUDNITSCHKA. European Journal of Forest Research. 2002 ; 179-194.
Soil seed banks near rubbing trees indicate dispersal of plant species into forests by wild boar. Thilo Heinken, Marcus Schmidt, Goddert von Oheimb, Wolf-Ulrich Kriebitzsch, Hermann Ellenberg. Basic and applied ecology. – 7 (2006), 31 – 44
Wild boars as seed dispersal agents of exotic plants from agricultural lands to conservation areas. G. Dovrat, A. Perevolotsky, G. Ne’eman. Journal of Arid Environments 78 (2012) 49-54
(épizoochorie), participant ainsi à la richesse de nos paysages⁸. C’est la découverte d’une équipe de chercheurs spécialisés dans l’étude des forêts et rattachée à l’INRA et au IRSTEA⁹.
Quand les Sangliers creusent leur souille puis s’y roulent, et quand ils se frottent sur les gros troncs, ils se débarrassent de leurs parasites, mais contribuent aussi à disperser des spores et diaspores parfois enfouies il y a des décennies voire des siècles, et qui peuvent avoir conservé leurs propriétés germinatives. Ils jouent donc un rôle dans la résilience écologique de la forêt après les chablis et incendies ou d’autres perturbations.

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