Chaque jour en France, des milliers d’animaux sauvages périssent sous les roues des véhicules. On estime à plus d’un million le nombre d’animaux tués chaque année sur les routes françaises, un chiffre largement sous-estimé tant le recensement est lacunaire. Derrière ces collisions se cache une réalité peu visible : une pression permanente sur la biodiversité, avec un impact grave sur les populations déjà fragiles.
🚗 Des collisions nombreuses mais mal documentées
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, très peu de collisions avec la faune sauvage entraînent des accidents corporels. En 2022, seules 120 collisions sur plus de 55 000 accidents corporels recensés en France impliquaient un animal sauvage (soit 0,2 %). Pourtant, cela ne reflète qu’une infime partie de la réalité : la majorité des collisions n’endommagent pas les véhicules et ne sont donc ni déclarées, ni comptabilisées.
🐾 Petits animaux, grandes victimes
Les espèces les plus touchées sont les plus discrètes : oiseaux, hérissons, renards, amphibiens, etc. Sur certaines routes de l’ouest de la France, on recense plus de 3 animaux tués par kilomètre et par an. Et ce chiffre grimpe encore lorsque les données des associations sont prises en compte. Ces espèces ne font pas les gros titres, mais leur disparition progressive affaiblit les écosystèmes.
💸 Un coût économique sous-estimé
Outre l’impact sur la biodiversité, les collisions avec la faune ont aussi un coût économique important. En 2008, on estimait à plus de 300 millions d’euros par an le coût des accidents impliquant des animaux. C’est peu, comparé aux 58 milliards d’euros du coût global de l’insécurité routière, mais cela souligne que ces événements ne sont pas anodins.
🏛️ Une prise de conscience politique encore largement insuffisante
Si la question des collisions routières avec la faune sauvage a été timidement reconnue lors du Grenelle de l’environnement, les avancées politiques restent très limitées. Le concept de Trame verte et bleue, visant à restaurer la continuité écologique des milieux, a mis en lumière le rôle destructeur des routes dans la fragmentation des habitats. Mais dans les faits, les actions concrètes peinent à suivre.
En 2018, la Stratégie nationale pour la biodiversité proposait de traiter une vingtaine de « points noirs » – ces zones où les collisions sont fréquentes – dans chaque région. Pourtant, le chiffre avancé par l’État (environ 10 par région) semble très en deçà de la réalité. À titre d’exemple, la région Auvergne-Rhône-Alpes a identifié 179 tronçons problématiques, dont 44 particulièrement accidentogènes.
Par ailleurs, aucune base de données nationale complète sur les collisions n’existe à ce jour. Les données sont morcelées, disparates, souvent locales, et la plupart des acteurs – assurances, forces de l’ordre, gestionnaires de routes départementales – ne sont pas contraints de transmettre les informations. Une véritable stratégie cohérente et ambitieuse fait cruellement défaut.
🔬 Les scientifiques, en première ligne face à l’urgence
Face à l’inaction politique, les chercheurs sonnent l’alarme. De nombreuses études, menées notamment par l’UMS Patrinat (unité OFB/Muséum national d’Histoire naturelle), ont documenté l’ampleur du phénomène. Selon ces travaux, les infrastructures de transport seraient devenues la première cause humaine de mortalité pour la faune sauvage en Europe.
Des espèces entières sont menacées :
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Le lynx boréal, espèce protégée, dont la première cause de mortalité en France est la route (150 cas de collisions recensés entre 1982 et 2018) ;
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La chouette effraie, avec environ 37 000 individus tués chaque année ;
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La loutre d’Europe, le vison d’Europe, le hérisson, ou encore de nombreux amphibiens font également partie des espèces particulièrement vulnérables.
Le réseau européen IENE (Infrastructure and Ecology Network Europe) alerte depuis plusieurs années sur l’impact massif des routes, lignes électriques, voies ferrées ou encore éoliennes sur les espèces animales. Les scientifiques disposent aujourd’hui de méthodes fiables de suivi, mais leur travail doit être soutenu par des moyens politiques et financiers à la hauteur de l’enjeu.
🌉 Réduire les collisions : des solutions existent
Il existe pourtant des solutions éprouvées pour réduire ces collisions :
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Les passages à faune (viaducs, tunnels, “crapauducs”) qui permettent aux animaux de traverser en toute sécurité ;
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Les détecteurs d’animaux, qui préviennent les conducteurs lorsqu’un animal est détecté à proximité de la chaussée ;
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Les avertisseurs à ultrasons, fixés sur les véhicules, bien que leur efficacité soit encore discutée ;
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La réduction de la vitesse sur les tronçons accidentogènes.
Dans certaines zones comme en Haute-Savoie ou dans les Pyrénées-Atlantiques, ces dispositifs ont permis de réduire jusqu’à 80 % des collisions. Pourtant, leur mise en place reste marginale.
🔫 La chasse, facteur aggravant
Les données montrent que les collisions avec les sangliers explosent pendant la période de chasse. Effrayés, les animaux fuient et traversent les routes dans la panique. Dans ce contexte, les chasseurs apparaissent faussement comme des “sauveurs” : ils bénéficient d’une forme de légitimité publique en prétendant réguler la faune, alors que leur activité aggrave directement le problème.
🧭 Ce que propose Animal Cross
Pour enrayer ce fléau, Animal Cross appelle à des mesures concrètes et urgentes :
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La création d’une base de données nationale des collisions incluant tous les réseaux routiers ;
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L’obligation pour les gestionnaires d’infrastructures, assureurs et forces de l’ordre de transmettre les données de collision ;
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L’affectation d’au moins 1 % du budget routier à la mise en place de dispositifs de protection ;
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L’interdiction de la chasse à proximité des zones accidentogènes (dans un rayon de 300 m) ;
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Le soutien aux associations qui réalisent un travail de terrain essentiel.
📣 Ensemble, changeons la donne
Nos routes ne doivent plus être des cimetières à ciel ouvert. Il est temps d’agir pour que la faune sauvage puisse circuler librement et en sécurité, et que nos déplacements ne soient plus synonymes de mort pour des millions d’animaux.
Animal Cross continuera à se mobiliser pour faire de la cohabitation entre humains et animaux une réalité sur l’ensemble du territoire.