Des autorisations pour la chasse sans logique apparente

La chasse du pinson est interdite, la chasse du merle est autorisée.
La chasse du bouquetin est interdite, la chasse du chamois est autorisée.
La chasse sur la propriété d’autrui est interdite, le droit de chasse des associations communales de chasse commence à 150 m des habitations, y compris bien sûr chez les particuliers.
La chasse sans permis est interdite, la chasse accompagnée sans permis est autorisée.
Tirer en direction d’une habitation est interdit, tirer avec une carabine qui a une portée jusqu’à 5 km est autorisé.
L’agrainage est interdit dans certains schémas départementaux de gestion cynégétique, mais l’agrainage est autorisé par d’autres schémas départementaux de gestion cynégétique.
Au-delà du plafond maximum autorisé la chasse à la bécasse est interdite, la chasse à la palombe ne connaît pas de plafond par chasseur.
Le grand cormoran est une espèce protégée, le grand cormoran est une espèce chassée.
Le braconnage du loup est interdit, la chasse pour les tirs de prélèvement du loup est autorisée.
La chasse de nuit est interdite, la chasse de nuit dans les gabions et huttes est autorisée.
La chasse avec silencieux était interdite, la chasse avec silencieux devient autorisée.
La chasse aux oies est interdite à partir du 1 er février, mais la chasse aux oies a été de facto prolongée les 15 premiers jours de février par l’ancienne ministre de l’Environnement Ségolène Royal, et chaque année le ministère de l’Ecologie tente de prolonger la chasse de l’oie en février (2).

Braconnier ou chasseur ?

Rappel : « Le braconnier est avant tout un chasseur, mais un chasseur qui se livre au braconnage. Le braconnage, selon le dictionnaire Larousse, est l’action de braconner, c’est-à-dire de « chasser ou pêcher en violation des lois et règlements ». Le dictionnaire du vocabulaire juridique en livre la même définition au « sens général », précisant qu’au « sens technique », il s’agit de « tout acte de recherche et de poursuite du gibier ou du poisson, en vue de le capturer et de le tuer, lorsque ces actes sont effectués au moyen de procédés ou d’engins prohibés, ou encore en des temps ou lieux interdits »(3).

Chasse et braconnage, une seule et même réalité ?

Selon l’endroit où la frontière est établie, le bon chasseur devient mauvais chasseur. Comme le soulignent les juristes de l’Aspas « Cette frontière est ténue et changeante. L’acte de braconnage étant défini par ce que la loi autorise ou non à la chasse, sa définition est soumise aux évolutions réglementaires et législatives, elles-mêmes soumises à l’évolution des mœurs sociétales, aux lobbys, à la couleur politique du gouvernement ou du législateur, etc. » (4)

De très nombreuses règles définissent aussi leurs propres exceptions. En réalité, en désignant des limites en deçà desquelles le chasseur respecte la loi, et au-delà desquelles il devient un hors-la-loi, le droit de la chasse (Code de l’environnement L420 à L429) cherche surtout à délivrer un permis de tuer en toute légalité.

La plus grande tartufferie est atteinte quand les fédérations de chasse portent plainte contre les braconniers qui « détériorent l’image de la chasse ».

Le droit de la chasse offre en fait aux chasseurs un « code d’honneur » permettant de couvrir d’un voile leurs pulsions mortelles. En définissant le mal légal, les chasseurs peuvent ainsi s’inscrire dans le bien légal. Mais le mal, n’est-il autre que le mal qui se fait passer pour le bien ?

Explications des exemples contradictoires listés ci-dessus :

Le pinson est une espèce protégée, pas le merle.
De même le bouquetin vs. le chamois, mais les chasseurs demandent à chasser le bouquetin maintenant que l’espèce est dans un état de conservation favorable.
La chasse accompagnée est autorisée pendant un an, dès lors que le « novice » est accompagné par un chasseur ayant un permis de chasse à jour de sa validation. La règle est «un fusil pour deux ». Le novice a droit à des explications rudimentaires au début, sans maniement des armes.
L’agrainage est le fait de donner de la nourriture aux animaux sauvages, essentiellement aux sangliers. Il permet le développement des populations de sangliers.
Le plafond maximum autorisé (PMA) pour la bécasse est de 30 bécasses par chasseur et par an.
46 133 cormorans ont été tués par la chasse lors de l’hiver 2014-2015, ces oiseaux étant accusés de manger trop de poissons destinés aux pêcheurs. L’espèce est protégée.
Une cinquantaine de loups a été officiellement tuée par la chasse en 2018, plus une vingtaine d’autres essentiellement tués par du braconnage.
La chasse autour des points d’eau dans les gabions et huttes est autorisée pour les oiseaux. Comment distingue-t-on une espèce protégée d’une espèce chassable en pleine nuit ?
Le ministère de l’Ecologie vient d’autoriser la chasse avec silencieux, ce qui fait bien l’affaire des braconniers.

 

(1) Ségolène Royal avait demandé oralement aux agents de l’ONCFS de ne pas verbaliser la chasse aux oies les quinze
premiers jours de février à la demande des chasseurs

(2) Depuis dix ans, le Ministère de l’écologie décide d’étendre en février la chasse aux oies et la décision est
annulée en Conseil d’Etat suite aux plaintes des associations.

(3) Philippe Lagrange, RSDA, 2 ème semestre 2017, p. 237 et suivantes
Pour aller plus loin : RSDA, 2 ème semestre 2017, articles sur le braconnage

(4) Revue semestriel du droit animalier (RSDA), 2ème semestre 2017, p. 215 et suivantes – Les associations de protection de la nature face au braconnage.

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