Le 2 février, c’est la journée mondiale des zones humides !

Les zones humides sont des « terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire, ou dont la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ». (Art. L.211-1 du code de l’environnement). Les zones humides abritent une biodiversité inestimable ! En effet, 40% de toutes les espèces animales et végétales du monde dépendent des zones humides.

Des écosystèmes à préserver de toute urgence

Tout comme pour les friches et les forêts, l’état des zones humides est très préoccupant alors que leur rôle écologique est fondamental pour la préservation de la nature. Voici quelques chiffres sur les zones humides en France (source : zones-humides.org) :

  • Plus de 67% des zones humides ont disparu depuis les années 1970.
  • 62% des zones humides ont cessé d’assurer des services qu’elles étaient susceptibles d’assurer.
  • L’état de 41% des milieux humides s’est dégradé entre 2010 et 2020 (seulement 11% s’est amélioré).

Cesser de détruire les zones humides est indispensable et le mieux est de les laisser évoluer librement. Par son action de redéveloppement naturel de l’écosystème, la libre évolution favorise la venue et la pérennité d’espèces animales, végétales et fongiques.


A noter qu’en France :
💧50 % des oiseaux dépendent des zones humides.
💧On y trouve 30 % des espèces végétales rares ou menacées d’extinction. (source : SyAGE)

Les bienfaits des zones humides en libre évolution

 Les flux sont facilités

Les seuils et barrages forment des obstacles aux processus naturels (courants, méandres, création d’îles, sédimentation, crues, migrations, etc.). Accepter qu’un cours d’eau soit naturellement détourné par un amas de sédimentation sur certains de ses méandres permet au flux de courir au lieu de stagner. La variété de ces paramètres offre une mosaïque de micro-habitats. Les poissons passant de l’océan aux rivières et vice-versa voient leur route migratoire barrée et leurs habitats dégradés. Les digues, polders (marais littoral endigué et asséché) et drains de marais peuvent à ce même titre bloquer les flux. Laisser par exemple un estuaire en libre évolution offre une nourriture importante pour beaucoup d’espèces de poissons, ce qui accroît les chances de survie.

La dispersion des organismes est nettement facilitée lorsque les zones humides sont en libre évolution.

Les cours d’eau conservent une meilleure fonctionnalité

Le tracé naturel des cours d’eau a été perturbé en grande partie à cause des barrages et des nombreuses infrastructures mises en place pour les activités humaines. L’élimination des arbres tombés dans les rivières ou emportés lors d’inondation prive de gîtes de nombreuses espèces aquatiques et empêche l’écosystème de s’enrichir en nutriments. Toutes ces détériorations ont causé d’importantes pertes de biodiversité et d’habitats, ce qui a réduit la biomasse et la diversité spécifique présentes dans ces milieux. 

Les cours d’eau sauvages s’avèrent très précieux pour la diversité des espèces aquatiques et des espèces des milieux riverains. Les ripisylves et les boisements alluviaux sont associés aux cours d’eau et leur libre évolution va de pair avec celle des rivières.

Des nutriments sont apportés aux rivières et de nouveaux habitats créés

Bien que la pensée commune considère une rivière en « bon état » quand l’eau est transparente et les berges rases, un cours d’eau sauvage est bien différent de cette vision. Laisser en place les embâcles naturels, comme les troncs, les branches et les feuilles mortes tombées dans les cours d’eau, permet un apport en nutriments. Ne pas retirer les débris offre aux poissons et autres invertébrés aquatiques nourriture et abri. En aval, des bras ou des îlots peuvent se créer grâce aux embâcles et devenir des habitats pour de nouvelles espèces.

Bien que les débris de bois nous donnent une impression de bazar, leur présence fait en réalité partie des processus naturels.

Redonnons de la place au vivant,
offrons 10% de la France à la nature en libre évolution, sans intervention humaine.

Agissez dès maintenant !

  • Vous êtes propriétaire d’un espace que vous laissez évoluer librement et vous voudriez concrétiser sa protection sur le long terme ?
  • Vous êtes enseignant et aimeriez travailler sur le sujet de la libre évolution en impliquant vos élèves ?
  • Vous voudriez convaincre vos élus et/ou le maire de votre commune à protéger des espaces naturels ?

LE SAVIEZ-VOUS ?
Le castor, espèce “clef de voûte” joue un rôle primordial dans l’écosystème des zones humides bien qu’il ait mauvaise presse à cause des modifications flagrantes qu’il applique sur le paysage. Cet ingénieur apporte plusieurs bénéfices :
– il crée par ses barrages des plans d’eau temporaires pour toute une faune aquatique (amphibiens, invertébrés, canards) et des zones de végétation herbacée en milieu humide dont vont profiter d’autres espèces (putois, cigogne noire, élan) ;
– il inonde des parties de forêt en élevant le niveau d’eau et favorise ainsi la production de bois mort ;
– il augmente la superficie des zones humides et des forêts alluviales qui permettent de réguler les crues et les sécheresses, de purifier l’eau et de servir de puits de carbone…
En bref, le castor est notre allié dans la libre évolution.

Le lac du Lauvitel, un exemple de libre évolution sous protection intégrale

En France, les zones humides sous protection intégrale et donc en libre évolution sont peu nombreuses. Pourtant, le Lauvitel, un lac situé à 1 530 mètres d’altitude dans le Parc National des Ecrins montre l’exemple depuis 1995.

Le sentier contournant la zone protégée permet aux randonneurs de s’approcher aux abords du lac pour contempler la beauté de ce paysage sauvage. Sa protection intégrale a pour but « le suivi de la dynamique naturelle d’écosystèmes ».

A l’intérieur de la réserve, les études scientifiques sont autorisées et permettent d’estimer la richesse et la diversité biologique de ce milieu si précieux. Les inventaires naturalistes ont permis de découvrir des espèces inconnues jusqu’ici, comme la guêpe Tachysphex schmideggeri (Le Divelec, publication à paraître), ou encore jamais vues en France. Plus de 3000 espèces ont alors pu être recensées à Bourg d’Oisans. Les experts estiment que 50 % des espèces de la réserve sont encore à découvrir !

Lac du Lauvitel

“L’étude des relations entre les niveaux lacustres et les paramètres climatiques permet ainsi de mieux cerner les conséquences du changement climatique dans les Alpes. Suivre à long terme un milieu de haute montagne, c’est d’ailleurs l’un des objectifs de la Réserve intégrale qui couvre largement la partie amont du bassin du Lauvitel (Fonctionnement hydrologique du Lauvitel, Dumas et al.).

COMPARAISON AVEC DES HABITATS SIMILAIRES
La réserve étant laissée en libre évolution il est intéressant de comparer sa richesse fongique avec des habitats similaires sur lesquels peuvent s’exercer des pressions humaines (exploitation forestière, aménagements divers, randonnées, pâturage, etc.) afin d’évaluer si ce mode de gestion apporte une diversité spécifique. Pour réaliser une comparaison objective, il faudrait disposer d’un site situé dans les Alpes, de surface équivalente et de milieux comparables, dans lequel l’homme pourrait avoir de l’influence. N’ayant pas prospecté un tel site, nous avons réalisé une comparaison avec des sites présentant des milieux similaires, en été et au printemps, à l’étage subalpin et alpin, dans lesquels il n’existe pas de restriction d’accès. Nous avons ainsi pris les données provenant de deux inventaires d’ascomycètes, l’un réalisé au printemps 2018 sur le secteur de Pralognan-la-Vanoise2, l’autre réalisé en août 2017 dans le Beaufortin3. Ces deux sessions d’étude avaient permis d’inventorier 189 espèces différentes. En comparant, la liste de ces espèces avec celle du Lauvitel, 70 taxons sont présents dans ce dernier et absents de l’autre liste, soit 35 % de non correspondance. Une telle différence peut s’expliquer en partie par des différences de météorologie ayant pu affecter les pousses aux périodes prospectées, une géologie différente (impactant la végétation), la topologie des sites ou d’autres facteurs plus difficiles à maîtriser, mais on peut tout de même formuler l’hypothèse que les conditions de vie dans la réserve du Lauvitel sont plus propices au développement de certaines espèces. Un suivi à plus long terme et des études comparatives mieux calibrées devraient pouvoir confirmer cette hypothèse.

Extrait de l’inventaire de la réserve du Lauvitel

https://www.ecrins-parcnational.fr/sites/ecrins-parcnational.com/files/article/19063/ascomycota-rapportlauvitel2020.pdf , https://www.ecrins-parcnational.fr/thematique/reserve-integrale-du-lauvitel