Certains partent en Afrique tuer à grands frais les Seigneurs de la savane. D’autres restent en France pour s’adonner à la même passion macabre : participer à des parties de chasse pour tuer des grands ongulés, cerfs, chevreuils, chamois, mouflons.
Savez-vous qui vend le brame du cerf à une caste de chasseurs privilégiée, profitant des moments où les animaux sont les plus vulnérables, car bien plus bruyants, pour les abattre ? C’est l’ONF (Office National des Forêts), organisme d’Etat, bien sûr.

 

Une approche de la chasse décomplexée

Les rapports de l’ONF l’annoncent comme une vérité évangélique : « La chasse n’est pas une simple activité de loisir, c’est aussi une démarche indispensable à la préservation des écosystèmes forestiers» (1). Avec l’ONF l’«équilibre agro-sylvo-cynégétique» (code de l’environnement L420-1)  a trouvé un de ses plus fervents supporters et les chasseurs un de leurs meilleurs soutiens.

«Parmi les 34 % des surfaces de forêts domaniales se trouvant en situation de déséquilibre forêt-gibier, 8 % voient cet équilibre compromis et 26 % dégradé», expliquent encore ces rapports de l’ONF (1) .

Dès lors, il semble que la stratégie de l’ONF n’est pas de protéger les arbres, ni de laisser une partie de la forêt aux animaux, mais d’abattre le plus grand nombre de grands ongulés, et surtout de cervidés, pour pouvoir exploiter les forêts et maximiser les revenus forestiers.

 

Un organisme public transformé en tour operator de la chasse en France

Un site internet https://www.chasse.onf.fr/ est mis à la disposition des chasseurs pour qu’ils puissent facilement accéder aux possibilités de chasse proposées par l’ONF.

Tous les types de chasse sont mis en avant et la chasse à courre occupe une place de choix.

La chasse occupe une place majeure dans les forêts domaniales. Sur les 4 millions d’ha de forêts domaniales gérés par l’ONF  en 2014, 1,7 million d’ha font l’objet d’une action de chasse. 100 000 chasseurs sont accueillis chaque année (10% des chasseurs) et 3.000 lots de chasse sont attribués.

« L’ONF propose à la location des territoires de chasse pour une durée de douze ans, avec pour priorité le respect de l’équilibre sylvo-cynégétique et le renouvellement des forêts », peut-on lire sur le site de l’ONF.
Depuis 2016, les baux de chasse lient le coût de la location de la chasse aux objectifs d’animaux abattus. Les mauvais chasseurs ne remplissant pas leur quota sont pénalisés.

Au-delà des lots de chasse, l’ONF s’est transformé en véritable “tour operator” pour amener les trophées des animaux sur un plateau, exactement comme les chasses en Afrique noire sont organisées pour les chasseurs fortunés venant dépenser leur argent et ajouter de nouvelles espèces d’animaux à leurs tableaux de chasse.

Exemple parmi d’autres, l’organisation de la chasse dans les Hautes-Alpes est édifiante. Pour celui qui choisit l’approche avec un guide « l’approche au cerf coiffé se pratique essentiellement durant le brame du 15 septembre au 11 octobre ; [le chasseur] sera accompagné d’un guide de chasse [agent de l’ONF] avec qui [il] évoluera sur le territoire à la recherche du cerf. … [Sont proposées aussi] du 1er septembre à la fermeture générale de la chasse (selon arrêté préfectoral) des approches sur biche, faon ou cerf. … Forfait organisation journalier, 1 animal 360 €/jour. Forfait organisation journalier, 2 animaux 460 €/jour … » Sachant que le coût d’un cerf mort varie de 990 € à 3250 € selon le développement de ses bois.

 

Un objectif moins avouable : équilibrer les comptes de l’ONF, incapable de se gérer autrement

Les chasses et concessions représentent une manne de 65,1 M€ sur 847 millions de recettes en 2017.  Cela fait de l’ONF sans doute le plus grand organisateur de chasse en France. Le budget de l’ONF est en léger déséquilibre, et sans la chasse qui est d’un p”précieux” rapport financier, il faudrait sans doute une profonde restructuration de cet organisme public. Tuer des animaux permet donc de remplir les caisses de l’Etat, sans se poser les questions de bonne gestion.

 

Malgré cette réalité sordide, l’ONF prône la biodiversité…

« Préserver la biodiversité est l’une des missions centrales de l’Office national des forêts » (rapport d’activité 2017). Une convention a même été signée entre l’ONF et l’Agence Française pour la Biodiversité (AFB). Le lecteur conclut donc que la biodiversité exclut cerfs, chevreuils, isards, chamois, daims, mouflons, sangliers, lièvres. Comme souvent dans une approche spéciste, la biodiversité se concentre sur quelques espèces d’animaux – ici, la cigogne noire, le milan royal, là les crapauds (sonneur à ventre jaune, pélobrate brun, crapeau vert) – , et ignore les autres.

 

Notre demande :

Revoir la stratégie de protection des forêts, en protégeant les arbres, en laissant une partie de la forêt aux animaux, et en acceptant dans certains cas une moindre value financière.

Faire cesser l’activité de l’ONF comme « tour operator » de la chasse et lui rendre sa fonction première de protection et d’entretien de la forêt et non pas de guide des chasseurs.

 

Sources :

(1) rapport d’activité 2017 page 60

 

 

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