Les abattages massifs liés à la DNC, décidés au nom de la protection économique et des marchés à l’exportation, provoquent détresse chez les éleveurs et une indignation légitime dans la société. Nous partageons cette colère. Nous refusons que ces mises à mort soient présentées comme une fatalité technique, alors qu’elles sont le symptôme d’un modèle agricole qui a perdu de vue les animaux eux-mêmes.

Quand l’émotion devient sélective

Ces derniers jours, certains responsables agricoles ont parlé de « tonnes de viande perdues », réduisant des êtres vivants à de simples volumes marchands. D’autres, face à l’émotion suscitée par l’abattage de troupeaux entiers, adoptent soudain un discours de protection et de sauvetage des animaux.

Ce contraste est révélateur. Car chaque jour, dans l’indifférence quasi générale, des millions d’animaux parfaitement sains : vaches, cochons, poulets, poissons sont tués pour l’alimentation. Si l’on se place du côté de l’animal, qu’est-ce qui est le moins cruel : une euthanasie par injection ou l’horreur de l’abattoir ? Pourquoi la mise à mort liée à la DNC choque-t-elle davantage ?

Plusieurs mécanismes se superposent :

  • Une mise à mort normalisée : des milliers d’animaux en bonne santé sont abattus chaque jour dans l’indifférence générale. Cet abattage industriel est devenu la norme et ne provoque pas d’indignation. 
  • Invisibilité : ces mises à mort quotidiennes sont peu médiatisées, ce qui se passe dans les abattoirs est caché du grand publique. Mais aujourd’hui avec les images et récits des interventions liées à la DNC, la réalité devient brutale, visible et indéniable. 
  • Nous voyons la souffrance humaine mais pas celles des animaux : l’injustice que partage les éleveurs provoque plus d’émotions que les millions d’abattages routiniers pour notre plaisir gustatif.

Cette indignation variable révèle une dissonance profonde : nous séparons mentalement la viande de l’animal vivant. L’abattage sanitaire brise cette illusion et nous confronte brutalement à la violence de l’élevage industriel.

La DNC : un symptôme parmi d’autres

La dermatose nodulaire contagieuse n’est pas un accident isolé. Elle s’inscrit dans une succession de crises sanitaires, grippe aviaire, épizooties à répétition, qui deviennent la norme plutôt que l’exception. L’arrivée de cette maladie, originaire d’Afrique australe et qui progressait en Europe de l’est, était prévisible. Les scientifiques du GIEC, de l’IPBES, de l’INSERM, du CNRS, de l’INRAE, alertent depuis des années.
Les facteurs qui ont favorisé son arrivée :

  • l’intensification de l’élevage
  • la concentration des animaux dans les élevages
  • l’intensification des échanges commerciaux
  • le déplacement des bovins entre pays
  • la forte consommation de produits d’origine animale
  • un manque anticipation, pas assez de doses de vaccins : la pratique de la santé publique vétérinaire est très souvent de sacrifier tous les animaux, plutôt que de penser à les soigner. Ex: Influenza aviaire hautement pathogène (IAHP).
  • le changement climatique qui favorisent l’émergence et la propagation de maladies avec l’expansion des zones favorables aux insectes.

Malgré cela, les réponses politiques persistent à renforcer le système au lieu de le transformer. L’affaiblissement des réglementations environnementales et sanitaires, la sortie progressive de certains élevages du cadre des ICPE* et la priorité donnée à la compétitivité économique augmentent les risques que les autorités prétendent combattre.

La position d’Animal Cross

Nous dénonçons des abattages massifs qui sacrifient les animaux comme de simples variables d’ajustement économique, tout en reconnaissant la souffrance des éleveurs pris au piège d’un système qu’ils ne maîtrisent plus.
Cette crise met en lumière une réalité incontournable : notre modèle agricole et alimentaire est à la fois éthiquement injustifiable et sanitairement dangereux. Tant qu’il y aura de l’exploitation animale et que celle-ci restera intensive, standardisée et tournée vers l’export, ces crises se répéteront.

Animal Cross appelle à une transformation profonde et planifiée de l’agriculture et de l’alimentation, fondée sur :

• la réduction massive du nombre d’animaux élevés et abattus,

• une vaccination généralisée des troupeaux

• le développement d’une alimentation végétale accessible,

• un accompagnement réel des éleveurs vers des activités respectueuses du vivant,

• et une prise en compte centrale des animaux comme des individus sensibles, et non comme des marchandises.

Nous parlons d’animaux. Ce sont des êtres vivants doués de sensibilité (Code civil) et nous devons prendre en compte ces aspects là, dans les prises de décision et non pas comme des marchandises économiques. Nos animaux ne devraient pas subir les conséquences de nos choix et décisions.

Seule une remise en question structurelle permettra d’éviter la répétition de ces drames et de mettre fin à une violence quotidienne devenue invisible.
Animal Cross continuera de porter cette exigence.

*ICPE, ce sont les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement : activités industrielles ou agricoles susceptibles de présenter des risques pour l’environnement, la santé humaine ou animale. De nombreux élevages intensifs sont classés ICPE, notamment : les élevages de volailles, de porcs, et certains élevages bovins au-delà de seuils précis.