Les décès par arme de chasse, en dehors des circonstances de chasse, sont soigneusement passés sous silence. Très peu d’observateurs se sont penchés sur la question . L’association Animal Cross, dont un des responsables a l’habitude d’étudier les bases de données de santé, a mené l’enquête.

Les données de mortalité en France sont recensées par le CépiDc, laboratoire de l’Inserm. Chaque décès en France doit en effet faire l’objet d’un certificat médical renseigné par un médecin, suivant un format conforme à une classification, appelé CIM10. Lors du décès, il est recherché une cause  unique qui sera considérée comme prépondérante, à l’origine du processus morbide ayant conduit au décès. 

 

Les armes de chasse seraient à l’origine de 13 % des homicides et 8 % des suicides. Les victimes sont des non chasseurs comme des chasseurs.


L’analyse de ces statistiques nous conduit à estimer qu’en 2017, les armes de chasse seraient à l’origine de 1100 décès dont 665 causés par un suicide, 33 par un homicide, 10 par un accident, 393 n’ayant pas de cause déterminée.  

Sur ces bases, on peut conclure que les armes de chasse seraient à l’origine de 8% des suicides et 13% des homicides en 2017 en France. De manière très intéressante, la courbe des décès par accident à la chasse qui procède de cette analyse (10 en 2017) est très proche de celle donnée par l’OFB (13 en 2017).(1)

33 homicides par arme de chasse en 2017 (estimation)


Une
analyse  du journal Reporterre, réalisée sur la base des faits divers recensés dans la presse, estime à 27 les homicides causés par armes de chasse en 2020 et 24 en 2021, ce qui est encore cohérent avec nos données (33 décès par homicide en 2017), les journalistes de Reporterre ayant pu passer à côté d’homicides.

Ces homicides sont différents des règlements de compte entre délinquants utilisant des armes prohibées. Il s’agit souvent de conflits et disputes dans un cadre familial, avec de nombreux féminicides (25% des cas de féminicides en 2020 et 2021 selon Reporterre). Le tueur se saisit de l’arme qu’il a sous la main pour régler ses comptes.

 

665 suicides par arme de chasse en 2017 (estimation)


La partie la plus nouvelle de cette analyse est le regard porté sur les suicides. Nous émettons l’hypothèse que les familles, quand elles découvrent un suicide en leur sein, gardent l’information pour elles et qu’ elles ne cherchent pas à le faire savoir. La très grande majorité des suicides n’apparaissent pas dans les médias et ne sont pas révélées au grand public.

Par ailleurs, le nombre de morts par armes à feu, toutes catégories confondues, baisse de manière relativement régulière chaque année, ce qui est encourageant, mais ce nombre reste élevé. On totalisait 1936 décès par armes à feu en 2008, 1560 en 2017 (-20%).

 

Diminuer le stock d’armes pour diminuer la mortalité par arme de chasse

Il existe aussi un stock important d’armes de chasse non déclarées. On estime à 5,4 millions le nombre d’armes déclarées en 2021 dans le fichier Agrippa) et  à plusieurs millions le nombre d’armes non déclarées. Une étude internationale avance le chiffre de 12,7 millions d’armes (essentiellement des armes de chasse) en circulation, déclarées et non déclarées, chiffre invérifiable. Une source de danger inacceptable.

 

Pour mettre fin à la mortalité lié aux armes de chasse,  Animal Cross demande :

que les chasseurs inactifs depuis 10 ans mettent leurs armes de chasse en dépôt dans un lieu sécurisé.
En effet, s’il faut être un chasseur actif pour acquérir une arme, cette condition n’est pas nécessaire pour détenir une arme. Les anciens chasseurs détiennent un stock important d’armes inutilisées puisqu’on compte moins d’un million de chasseurs actifs pour  4 millions de chasseurs détenteurs d’une arme.
que les armes de chasse ne soient pas gardées à domicile hors de la période de chasse, et qu’elles soient réunies dans un lieu centralisé (ex ACCA, gendarmerie, mairie, armureries). Afin d’éviter de constituer des gigantesques stocks d’armes qui attireraient des cambrioleurs, une idée serait de ne confier dans ce lieu qu’une partie de l’arme, la rendant ainsi inactive, comme la longuesse pour un fusil ou la culasse pour une carabine.
de permettre aux gendarmes et policiers  de contrôler les armes des chasseurs. En effet, dans le système d’information sur les armes (SIA) qui se met en place , seuls des gendarmes et policiers « individuellement désignés et spécialement habilités » peuvent avoir accès à ce fichier, donc pas les gendarmes et policiers en routine. Qui plus est, les agents de l’OFB n’ont pas accès à ce fichier.
à la fédération de chasseur de vérifier les armes déclarées au fichier SIA au moment de l’envoi des validations du permis de chasser, ce qui n’est pas fait actuellement.
de rapprocher le fichier des décès (RNIPP) du fichier des armes (Agrippa maintenant SIA) pour éviter que des héritiers non chasseurs n’héritent d’armes. Les chasseurs décédés laissent derrière eux entre 50 et 100 000 armes chaque année (environ 1,5% de mortalité sur 4 millions de chasseurs) pour lesquelles aucun suivi particulier n’est prévu.

 

(1) En 2017, le CepiDc recensait 1560 morts par armes à feu en France (dernière année pour lesquelles des données sont disponibles), et 1631 en moyenne sur la période 2014-2017, répartis comme suit :  937 causés par un suicide, 65 par un homicide, 12 par un accident, 546 n’ayant pas de cause déterminée.  Pour chaque circonstance, 1) les armes de poing, 2) les fusils, carabines et d’armes de plus grande taille et 3) les armes à feu, autres et sans précision sont distinguées. 

Pour connaître la part des armes de chasse, nous avons :

  • réparti la partie des armes non déterminée (« armes à feu, autres et sans précision ») sur les deux autres groupes d’armes « à poing »/« de grande taille », ce qui conduit a rajouté environ 90% des décès sur les « armes de grande taille »,  et 
  • estimé, parmi les armes de grande taille, la part entre les armes des chasseurs et les armes des autres utilisateurs (principalement tireurs sportifs). Cette part est estimée  à 80% en cas de suicide et accidents et cause indéterminées sur la base du fait que sur 5 millions d’armes déclarées,  4 millions environ appartiennent à des chasseurs, et 50% en cas d’homicide.
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