Animal Cross propose un test inédit en France pour vraiment protéger les cultures et prairies  contre les dégâts de la faune.

 

Des indemnisations actuelles limitées pour des surfaces ridicules

En lisant les journaux ou en écoutant les syndicats agricoles, on a l’impression que les dégâts causés par la faune sauvage à l’agriculture (culture, prairie, vigne) sont immenses. Il n’en est rien. Tout cela est de la communication destinée à contenter la grogne paysanne ?

Le montant indemnisé par année est modeste à environ 25 millions d’euros en 2016[1],  soit quasiment le montant du cadeau fait aux chasseurs pour baisser le prix de la validation nationale du permis de chasser. Ce montant est stable, voire en baisse en comparaison avec le pic à plus de 40 millions d’euros en 2010. Les surfaces indemnisées sont stables et très faibles au regard de surfaces totales : 0,56% des surfaces de maïs, 0,07% des surfaces de blé, 0,04% des surfaces de colza [2].

Pour donner une comparaison, le coût des aléas climatiques s’élève probablement au moins à 1,5 Mds d’euros en moyenne par an, c’est-à-dire 60 fois plus  [3].

 

Des dégâts très concentrés

Contrairement également à ce qu’on veut nous faire croire, les dégâts sur les cultures, prairies et vignes sont très concentrés. Il n’existe pas une menace de prédateurs sauvages qui seraient prêts à piller  toutes les récoltes si un « bon chasseur » ne les en empêchaient. En citant pour une fois l’ONCFS « il n’est pas rare que 15 communes cumulent à elles seules plus de 50 % des dégâts du département. Cela montre à quel point dans la plupart des départements, la question de la maîtrise des dégâts de sangliers doit s’envisager à une échelle extrêmement réduite, souvent de l’ordre de 10 à 25 communes seulement ! » L’ONCFS classe en effet les communes de 1 à 5 selon l’importance des indemnisations des cultures. Les communes avec dégâts les plus forts sont classés 4 et 5.

 

En obligeant les chasseurs à indemniser les agriculteurs pour les dégâts commis par la grande faune, la loi justifie le recours à la chasse pour tuer les animaux.

La législation actuelle (chapitre L426 du code de l’environnement) fait peser sur les chasseurs la responsabilité d’indemniser les dégâts aux cultures et prairies causés par les grands ongulés , sangliers, chevreuils, cerfs. La procédure d’indemnisation est amiable et/ou contentieuse. Elle s’appuie de manière curieuse sur l’article 1240 du Code civil qui prévoit que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Obligation curieuse car l’animal sauvage est un res nullius, « chose sans propriétaire » donc. Sans cette précision législative, rien ne contraindrait les chasseurs à payer les dégâts d’animaux qui ne leur appartiennent pas.

Ce qui parait à prime abord une bonne idée, puisque les chasseurs prennent à leur charge les indemnisations, se retournent contre les animaux. En effet, les chasseurs, qui indemnisent les agriculteurs, se sentent ainsi fondés à tuer les animaux. Leur soit disant légitimité  trouve là sa raison d’être. Il rendrait ainsi service à la nation en assumant la charge qui incombe à l’Etat.

Rappelons aussi que les agriculteurs sont aussi chasseurs. En demandant l’indemnisation des dégâts de leurs champs et en chassant eux-mêmes les agriculteurs-chasseurs peuvent gagner deux fois.

La France est le seul cas en Europe où l’indemnisation est assurée par les chasseurs.

L’Etat doit prendre à sa charge les indemnisations de la faune sauvage. Les chasseurs doivent y contribuer.

Ce système a assez duré. Animal Cross propose un nouveau mode d’indemnisation des récoltes. L’association estime possible et souhaitable de retirer aux chasseurs le soin d’indemniser les agriculteurs.

En cas de dégâts aux cultures, l’exploitant, qui a subi un préjudice de perte de récolte, doit pouvoir réclamer une indemnisation à l’Etat.

Le fond d’indemnisation ainsi crée est toujours financé par les chasseurs selon les modalités en vigueur aujourd’hui (bracelet pour la chasse de grand gibier, taxe à l’hectare, versement prélevé sur le permis de chasser, timbre ). Le paiement des chasseurs correspond au droit qu’ils s’arrogent de pouvoir tuer et s’approprier un animal qui ne leur appartient pas. Si la part issue des chasseurs ne suffit pas, l’Etat prendra le solde à sa charge.

 

Les dossiers d’indemnisation seraient gérés par l’AFB

Les chasseurs continueraient de payer les « estimateurs » de chaque département qui constatent les dégâts aux récoltes. Encore une fois, ce coût supporté par les chasseurs s’explique pas le droit qui leur est octroyé de chasser des animaux qui ne leur appartiennent pas.

L’AFB serait responsable  de l’instruction des dossiers. Rappelons que dans notre conception, l’ONCFS , actuellement géré par des chasseurs pour des chasseurs, n’occuperait plus qu’un rôle subalterne.

En zone sensible, pas d’indemnisation si pas de protection

Animal Cross souhaite lier l’indemnisation des cultures dans les communes sensibles (classées 4 et 5) à la protection obligatoire des cultures. Sans protection dans ces zones, pas d’indemnisation.

Les mesures de protection seront payées par l’Etat mais la maintenance et les réparations des protections seront à la charge de l’exploitant qui, en contre-partie deviendrait propriétaire des systèmes de protection.

La protection des cultures existe déjà et fonctionne. Clôture électrique mobile ou fixe, répulsifs, balise sonore ont fait leur preuve mais les agriculteurs ont souvent à leur charge une partie importante des protections. Nous préconisons que l’Etat prenne en charge entièrement les mesures de protection.

Les golfs , disposant généralement de moyens, auraient une obligation de protection à leur charge.

 

Un label pour les agriculteurs « écolo »

Certains agriculteurs trouveront peut-être normal que certains animaux « se servent » dans leur culture, en laissant une bande de côté non protégée, destinées à la nourriture de la faune sauvage. Ces agriculteurs doivent être salués pour leur altruisme et encouragés. Animal Cross propose qu’un label « AGR-AMI-BIO »[4] soit créé où les agriculteurs qui laissent des cultures, des jachères, des haies pour la grande et petite faune et limitent au maximum les pesticides, soient distingués. Des week-ends de vacances dans des lieux insolites pourraient aussi les récompenser !

Notre demande : Un département pilote où les cultures en zone sensible sont systématiquement protégées. Les dépenses seraient assurés par l’Etat.

Puisque le gouvernement a lancé en septembre 2018 un comité de lutte contre les dégâts de gibier avec « l’objectif de réduction de moitié des dégâts d’ici 3 ans », voici notre proposition

Nous proposons de mettre en place un département pilote qui, pour la première fois en France , prendrait en charge sérieusement le problème de la protection des cultures avec les caractéristiques suivantes :

  • Supprimer immédiatement l’agrainage, l’affouragement et la réintroduction de grands ongulés d’élevage dans la faune sauvage, seule manière de diminuer la population de grands animaux
  • Protéger toutes les cultures à risque dans les zones classées 4 et 5
  • Pour une durée de 4 ans

Ce test serait piloté par l’Agence française de biodiversité (qui, selon nous, doit remplacer l’ONCFS pour la protection de la faune sauvage) et serait transparent pour les partenaires extérieurs (association agricole, association de protection des animaux).

Le coût estimé de ce test représente 2 à 4 millions € pour ce département[5].

 

[1] https://www.coordinationrurale.fr/bilan-annuel-degats-de-gibier-augmentation-surfaces-detruites-2016/

[2] Calcul : surface détruite/surface cultivée. Surface détruite : https://www.coordinationrurale.fr/bilan-annuel-degats-de-gibier-augmentation-surfaces-detruites-2016/. Surface cultivée : http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/saa2018T2bspca.pdf

[3] La gestion des risques en agriculture : un défi et une urgence. Note de synthèse réalisée à partir des travaux du Groupe de travail du CSO réuni d’octobre 2016 à janvier 2017. Ministère d el’agriculture

[4] AGRiculteur AMIs de la BIOdiversité

[5] Il y a environ 12 500 ha détruits chaque année en France. En partant du principe que ces dégâts représentent 5% d’un champ, 250 000 ha sont à  protéger pour un coût moyen de 400 €/ha (source Région de Wallonie), soit 100 M € pour la protection, 1 million € en moyenne pour un département. Un département avec de gros dégâts aura 2 à 4 fois plus de de dégâts qu’un département moyen.

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