C’était une journée froide, si froide que dans les cimetières les squelettes claquaient des dents. Journée d’horreur. Le procès pouvait avoir lieu, les victimes animales n’étaient pas là, leurs défenseurs humains, clairsemés, étaient submergés par les assaillants. Ils avaient même pris soin de tenir au silence le plus valeureux d’entre eux (1). Et ils avaient désigné pour être les accusateurs,  un éleveur (rapporteur), sûrs qu’il protégerait les siens, et un Ministre, tout acquis à la cause des oppresseurs.

Un dimanche semblable à un Vendredi saint qui annonçait autant de crucifixions, de massacres des innocents, de rafles,  de tueries, d’univers concentrationnaires.

L’audience pouvait commencer.

Permettre aux associations de se porter partie civile sur les contraventions ? « Ce n’est pas l’objectif initial (2)» de cette loi .

La castration à vif des porcelets ?  « On a  choisi … de faire confiance aux filières …de ne pas légiférer à tout bout de champ sur toutes ces pratiques condamnables. »

Les poules en cage ? « Nous ne souhaitons pas mettre mal à l’aise la filière et les éleveurs en interdisant l’élevage des poules en cage », « Il faut donc penser à ces familles, qui doivent nous regarder avec inquiétude : il est difficile de leur demander d’arrêter leur production du jour au lendemain. »

Les cages collectives pour les lapins  (cages plus larges que les cages actuelles) ?  « Lorsque les lapins vivent en cases collectives, comme vous le préconisez, les plus forts mangent les plus faibles », « Je vous invite à manger un lapin qui a couru tous les jours de sa vie : c’est immangeable ».

Imposer le sexage des poussins, pour éviter de broyer les poussins mâles après la naissance ? Qu’on les broie. Et le sexage des canetons et oisons ? Qu’ils aient le même sort.

L’encadrement de l’exportation d’animaux vivants vers des pays hors de l’Union européenne?  « Cela découragerait tous les exportateurs français »

La prohibition des fermes-usines ? « Vous constaterez que les conditions dans les fermes de 1000 veaux sont bien supérieures à celles dont les veaux peuvent bénéficier dans des fermes de cinquante vaches».

Imperturbables, les député(e)s, sûrs de leurs faits, clamaient , sans ciller, leur souci du bien-être animal pour mieux creuser les tombes de leurs victimes, se délectant du baiser qu’on donne au condamné à mort. « Je ne connais d’ailleurs aucun ennemi ou adversaire du bien-être animal » (le ministre), « La lutte contre la maltraitance des animaux d’élevage – dans les exploitations, pendant le transport ou l’abattage – est une préoccupation à laquelle je suis particulièrement sensible. Personne n’ignore que je suis éleveur» (le rapporteur).

Filmer l’intérieur des abattoirs et dénoncer les infractions ? « Nous allons stigmatiser une profession. Pourquoi alors ne pas l’instaurer dans d’autres métiers – chez les pêcheurs…», « en Ehpad », « Sommes-nous favorables à une société de la surveillance généralisée ? », « il faut éviter d’aggraver la mal-être des salariés ». « Dans de nombreux cas, toutefois, la vidéo ne permet pas d’identifier s’il y a ou non souffrance des animaux. »

La plus grande tartuferie règne.   « Ces vidéos me dérangent». Aussi, faisons des « expérimentations » », « il faut passer par l’évaluation », il faut qu’on « intègre sur le volontariat des salariés » « un élément clé : le volontariat».

Depuis les abattoirs, agonisants,  les animaux répondirent qu’ils n’avaient pas été volontaires mais qu’on les avait forcés.

Alors que 80% de la population française, voire plus, soutenait les avancées pour les animaux, seule une poignée de députés , moins de 5%, se battaient pour eux. Une cinquantaine les pourfendaient. Et la grande majorité, pleutre, était restée chez elle.

Aucun amendement pour défendre les animaux n’est passé ce jour là.

Rendons hommage à ceux qui n’ont pas failli, qui sont restés dignes (3) : Mesdames et Messieurs T. Degois, A-L. Petel, E. Diard, B. Lachaud, J.L. Mélenchon, L. Prudhomme, F. Ruffin, O. Falorni, S. Chenu, R. Ramos, P.Y. Bournazel, S. Panonacle, G. Serville,  le parti France insoumise sans qui résultats des  scrutins n’auraient pas été publics.

Dans quelques siècles, quand les hommes et les animaux vivront ensemble comme frères, libres et égaux, on regardera ces images avec stupeur. Ce dimanche noir du 27 mai 2018, la Terreur pour les animaux avait un visage, c’était celui de l’Assemblée nationale française. Le tribunal de l’Histoire condamnera ces êtres insensibles et monstrueux, députés qui n’avaient d’hommes et de femmes que l’apparence, bouffis d’égoïsme et éclatants de suffisance, et elle les vouera aux gémonies. Elle rappellera aussi qu’il restait dans les rangs quelques Gandhi, Martin Luther King et Schoelcher, alors anonymes, qui les années suivantes écriraient l’Histoire.

 

(1) Olivier Falorni, député non inscrit, a eu un temps de parole très limité, la conférence des présidents de partie s’étant entendu sur les temps de parole. Le partie France insoumise a souhaité lui accordé de son temps de parole mais ce n’était pas possible.

(2) Citations

(3) Vote positif ou abstention, pas de vote négatif. De manière surprenante des députés ont voté pour certains amendements favorables aux animaux et contre d’autres. A la fin, il ne reste plus beaucoup de députés sur cette liste. Il y aurait le double de personnes si on n’enlevait pas , à ceux qui ont voté pour un amendement, leur(s) vote(s) négatif (s). La France insoumise n’a pas émis un seul vote négatif.

Compte-rendu écrit : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2017-2018/20180231.asp#P1283213

http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2017-2018/20180232.asp#P1284347

Vidéos : http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6068967_5b0ab138191bd.2eme-seance–equilibre-dans-le-secteur-agricole-et-alimentaire-suite-apres-l-article-11-septdeci-27-mai-2018

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.6070571_5b0b055c62da7.3eme-seance–equilibre-dans-le-secteur-agricole-et-alimentaire-suite-apres-l-article-13-suite–27-mai-2018

 

 

Print Friendly, PDF & Email