Vendredi 27 janvier, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur a annoncé la création d’une division nationale d’enquête dédiée à la lutte contre les violences faites aux animaux, qui a vocation à traiter les cas les plus graves et techniques. Ces enquêteurs seront rattachés à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique.

Il a par ailleurs annoncé la mise en place de référents au sein des unités territoriales. Ces référents, au nombre de 4 000 au sein de la gendarmerie et de la police nationales, « seront en lien avec les services vétérinaires de l’État et les associations de protection animale », a-t-il précisé.

Un traitement des plaintes laborieux

Animal Cross s’occupe des animaux maltraités et enquête sur le terrain  depuis maintenant 13 ans. Et le constat est très nuancé concernant le traitement de nos plaintes par la police ou la gendarmerie. Régulièrement, le policier ou le gendarme commence par vous décourager de porter plainte, voire vous raconte que vous ne pouvez pas le faire. Vous devez lui expliquer les lois et pourquoi la maltraitance en question est répréhensible. Pour faire face, les dirigeants d’Animal Cross se sont formés au droit des animaux en passant un Diplôme Universitaire de droit animalier. Cela nous permet d’être irréprochables et sûrs de ce que nous demandons. Nous portons plainte en ayant le plus souvent mené au préalable une enquête et réuni les éléments de preuves : photos, vidéos, enregistrements sonores, témoignages écrits sur formulaire CERFA.

La multiplication des plaintes auprès de policiers ou gendarmes non motivés, dont ce n’est pas la priorité, qui ne connaissent ni les lois de protection animale, ni les besoins des animaux est épuisante et décourageante. Et nous y avons régulièrement renoncé, sachant très bien que notre démarche n’aboutirait à rien.

Prenons un exemple très récent, celui d’un chat pris dans un piège à mâchoires. Pour la deuxième fois en 4 ans, le chat de cette personne a été attrapé dans le champ à côté de sa maison par un piège à mâchoires, type de piège interdit depuis 1995. La personne est allée porter plainte en gendarmerie d’O. Le constat vétérinaire est explicite. Le gendarme à l’accueil du commissariat, piégeur lui-même, n’a pas voulu prendre sa plainte. Le propriétaire du chat s’est tourné vers Animal Cross et les deux plaintes partiront ensemble à destination du procureur.

Une action différente en fonction de la sensibilité personnelle du gendarme ou du policier

Cela se passe différemment lorsque nous avons pu repérer un policier ou un gendarme sensible à la cause animale. Et ils existent heureusement de plus en plus. Nous gardons quelques souvenirs d’agents de police ou de gendarmes très motivés, comme ceux qui ont sauvé un chiot que son maître menaçait de balancer par le balcon par exemple, ceux qui nous ont aidé à sortir cette chienne berger allemand enfermée depuis des semaines dans un garage poubelle, sans eau ni nourriture suffisante, ou encore ces gendarmes qui nous ont appelé en urgence pour venir sortir 11 Yorks enfermés et maltraités dans une petite pièce envahie d’excréments.

Un manque de temps mais aussi une nécessité de formation

Nous avons remarqué que bon nombre de ces agents ne savaient tout simplement pas comment s’y prendre, ignorant à la fois les lois qui protègent les animaux et les procédures applicables, incapables de juger si le bien-être d’un animal est en question ou non. Nous nous souvenons par exemple d’une plainte concernant des brebis mourantes par manque de soins et de nourriture (le vétérinaire l’a attesté). Nous étions en hiver, l’herbe était rase mais verte. Malgré nos explications, le gendarme a estimé qu’il n’y avait pas de problème pour la brebis. Nous avons finalement obtenu le retrait des brebis mais les échanges furent très compliqués. 

Une certaine bienveillance de la police municipale

Côté police municipale, notre expérience, en particulier à Pau, est bien différente et au contraire, nous y avons souvent rencontré des agents ouverts et résolus à faire changer les choses. Si ces agents ne bénéficient pas du tout des mêmes pouvoirs que leurs homologues de la police ou de la gendarmerie, ils sont bien souvent motivés et parviennent à résoudre de nombreux problèmes liés au bruit (aboiements) ou à l’insalubrité (excréments dans les appartements ou sur les balcons par exemple). Leur uniforme dissuade de nombreuses personnes et les animaux sont bien souvent gagnants. Lorsqu’ils ne peuvent pas agir, nous apprécions souvent leur témoignage auprès de la police qui semble souvent davantage pris au sérieux que celui des associations.

Que penser des nouvelles mesures prises par M. Darmanin ?

Animal Cross accueille avec enthousiasme ces nouvelles mesures. Une expérience de ce genre a été faite par Animal Cross avec un gendarme des Hautes-Pyrénées, M. Fernandez, le premier référent Protection Animale du Groupement des Hautes-Pyrénées, à l’origine de la réplication en gendarmerie des référents Protection Animale sur le territoire national. Son intervention auprès de ses collègues gendarmes, à notre demande, a toujours été d’une grande efficacité. Alors que nous allions porter plainte pour une vache morte de faim, nous avons vu par exemple un gendarme changer complètement d’attitude après ses explications. Alors nous voulons croire que cela peut, va changer le traitement des plaintes pour les animaux maltraités.

Des points encore sombres dans le dispositif

Lors d’une plainte au sujet d’animaux de ferme ou d’équidés, ce n’est pas la gendarmerie qui traite le dossier mais la DDPP (Direction départementale de la Protection des Populations). Mais la DDPP n’a que très peu de temps à consacrer à ce sujet. Le traitement de ces plaintes est très inégal d’un département à l’autre et dans les Pyrénées Atlantiques, les associations reçoivent des réponses souvent négatives à leurs demandes.

L’autre question est de savoir ce qui va se passer du côté des procureurs. La plainte est en effet une première étape mais de nombreuses plaintes sont encore aujourd’hui classées sans suite. Un espoir vient du côté de Toulouse où la justice vient de créer un pôle dédié à la maltraitance animale.

A chacun son rôle

Animal Cross souhaite une réelle collaboration avec la police ou la gendarmerie. Ce sont les associations qui sont le plus souvent contactées en cas de maltraitance et ce sont elles qui enquêtent en premier lieu.  Grâce à leurs connaissances et leur expérience en matière animale, ce sont elles qui, associées à un vétérinaire, sont le plus à même d’estimer s’il y a problème ou non pour l’animal. Ce sont elles ensuite qui récupèrent les animaux, les soignent et les remettent à l’adoption. L’idéal serait de former une équipe constituée des forces de l’ordre, d’une association de protection animale et d’un vétérinaire. Gageons que nous prenons ce chemin !

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