Une nouvelle vague d’abattages indiscriminés est programmée par la préfecture de Haute-Savoie dans la zone cœur du massif du Bargy. Les motifs invoqués sont cette fois l’inaccessibilité de certains animaux, la découverte d’un chamois séropositif à la brucellose sur la commune du Reposoir, et la crainte d’une transmission au reste de la faune sauvage et du cheptel domestique lors de la prochaine saison estivale.
Nous confirmons ici de la manière la plus ferme possible ce que nous avions dit lors des précédentes consultations en octobre 2017, mai 2018 et avril 2019, à savoir que nous sommes en désaccord total avec l’abattage de bouquetins non testés au préalable, où qu’ils se trouvent.
En outre, les agents de l’ONCFS avaient à ce jour rempli la mission qui leur avait été fixée pour l’année 2019, à savoir capturer 50 animaux, ou, à défaut – et nous avions réagi contre cette disposition – en abattre jusqu’à 20 dans la limite des 50. Ils ont pu en capturer 48, plus deux qui ont été abattus.
Par ailleurs, l’ONCFS a confirmé en juillet dernier la baisse très significative de la prévalence de l’infection brucellique sur le massif du Bargy : proche de zéro en zones périphériques, elle a chuté en trois ans de 70% à environ 20% au cœur du massif. C’est la preuve que l’épizootie est en forte récession et que la poursuite des opérations de capture, sur plusieurs années, constitue une réponse adaptée à la présence de la bactérie chez le Bouquetin des Alpes. Nous ne comprenons pas, à ce sujet, que l’indication par l’ONCFS que certains individus testés séronégatifs, et donc marqués, seraient porteurs d’un gène de résistance à la brucellose n’ait pas fait l’objet de développements plus poussés, car il est possible que la population du Bargy soit en train de s’assainir naturellement.
Si l’opération décrite dans le projet d’arrêté était effectivement lancée, la chute observée de la prévalence entrainerait de facto l’abattage insupportable d’individus parfaitement sains. En effet, n’observant plus d’animaux symptomatiques sur le massif du Bargy, les tirs effectués en méconnaissance de la situation sanitaire des bouquetins visés conduiraient à abattre jusqu’à 80% d’animaux sains. Nous ne pouvons en accepter l’augure.
A ce jour, sur une population estimée à environ 700 individus en 2012, 482 bouquetins ont été éliminés, dont 134 par euthanasie après capture et 348 par abattage indiscriminé. Il est plus que temps d’arrêter les abattages  2 et de se concentrer sur une gestion adaptative par capture-contrôle-marquage. Les agents de l’ONCFS ont encore montré cette année qu’ils pouvaient le faire, et nous saluons leur savoir-faire et leur professionnalisme à cet égard.
Enfin, comment ne pas enfin reconnaitre l’inefficacité – voire le caractère absolument contre-productif – des abattages indiscriminés, lesquels ont montré qu’ils déstructuraient les hardes. A distance de tir, l’âge des femelles adultes est quasiment impossible à déterminer. En cas d’opération de tir, cela implique que des femelles dominantes seront abattues et que des individus plus jeunes pourront de ce fait être contaminés en gagnant ainsi l’accès à la reproduction.
Nous ajouterons ici que l’abattage d’une quinzaine d’individus sur le cœur de massif ne constitue en aucune manière une démarche scientifique. En effet, dans une population où les trois quarts des individus sont sains, selon que les agents de l’ONCFS finiraient par abattre une majorité d’individus séropositifs – ou pas – les conclusions qui en seraient tirées pour la suite des opérations et le sort de la population restante seraient entachées de biais inacceptables. Comme nous l’avons déjà déclaré lors des précédentes consultations, la vérification de la prévalence dans le cœur du massif doit selon nous être basée uniquement sur des captures à effectuer sur plusieurs années, au printemps, et éventuellement à l’automne.
Nous tenons également à signaler que si certains éleveurs s’attachent effectivement à mettre en place des parcages de qualité, il ne s’agit pas d’une règle générale. Nous continuons à observer des troupeaux de caprins et d’ovins parcourant l’ensemble des alpages jusqu’aux sommets du massif, occupant ainsi les mêmes territoires que les bouquetins. Nous voyons là une prise de risque endossée par les éleveurs, alors qu’il serait au contraire nécessaire d’imposer une ségrégation temporelle et spatiale des espaces alloués aux différentes espèces.
Prenant en compte l’ensemble de ces éléments, nous sommes fondés à affirmer qu’il est tout à fait possible et souhaitable que les animaux sains soient préservés, et nous vous demandons de ne pas promulguer cet arrêté.

Ceci est la réponse conjointe de 12 ONG nationales, régionales et départementales : LPO, FNE, ASPAS, Humanité et Biodiversité, Animal Cross, FNE Haute-Savoie, One Voice, Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères, SNPN, WWF, Mountain Wilderness et le Syndicat national0 des Accompagnateurs en Montagne.

A vous de vous exprimer jusqu’au 7 novembre !

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