Suite à un recours de plusieurs ONG, le Tribunal administratif de Grenoble a suspendu, avec effet immédiat, l’abattage de 170 bouquetins en Haute-Savoie. Ces abattages avaient été autorisés par arrêté préfectoral à partir du 15 mai, au prétexte d’endiguer la brucellose. Pourtant, dans le massif du Bargy, 96 % des bouquetins sont sains.

La brucellose, à l’origine d’un conflit qui dure depuis 2012

L’affaire des bouquetins du Bargy n’est pas récente. Mais depuis 2 ans, l’intervention des ONG a fait basculer le sort de ces animaux.
En août 2020, le tribunal administratif de Grenoble avait donné raison à Animal Cross qui avait attaqué en référé la décision du Préfet ordonnant l’abattage indiscriminé de 60 bouquetins.
Mais le 12 octobre 2021, la nouvelle est tombée : une vache d’un élevage de Saint-Laurent (Haute-Savoie) était atteinte par la Brucellose et le lien avec la persistance de la brucellose dans la faune sauvage du massif du Bargy est confirmé. Tout le troupeau de bovins est abattu. 
Sous la pression des producteurs locaux de reblochon et de la filière économique de la viande bovine, la préfecture de Haute-Savoie signe le 17 mars 2022 un arrêté préfectoral, autorisant l’abattage indiscriminé (sans distinction de contamination ou  non) d’un maximum de 170 bouquetins dans le massif du Bargy au cours de l’année 2022.

 

Double recours juridique des associations réunies

FNE Aura, FNE Haute-Savoie, Animal Cross, ASPAS, AVES, LPO et One Voice ont déposé le 22 avril un double recours juridique auprès du tribunal administratif de Grenoble. Un recours suspensif, et un recours sur le fond.

Les juges ont ordonné jeudi dernier la suspension immédiate de la campagne d’abattage qui était sur le point de commencer. L’argument principal du juge repose deux points principaux : l’absence d’urgence pour la santé publique et le non-respect de la condition liée à l’absence de solution alternative satisfaisante.

Nous attendons encore le jugement sur le fond.

Nous tenons à remercier nos avocats Hélène Thouy et Olivier Vidal pour leur formidable travail.

La consultation publique réalisée début mars avait recueilli l’avis de 2335 personnes. En dépit de 84% d’opinions défavorables au projet d’arrêté, le rapport d’analyse de la consultation avait établi la conclusion suivante. “Les avis n’apportent pas d’éléments susceptibles de remettre en cause la stratégie élaborée par l’État dans le but de maîtriser l’enzootie de brucellose dans le massif du Bargy pour la période 2022-2030”.

Une pétition avait également été lancée par FNE pour faire annuler la décision des pouvoirs publics, et empêcher le massacre. Elle a recueilli plus de 15.000 signatures.  

 

Que disent les experts et les scientifiques ? 

Les scientifiques du CNPN (Conseil National de Protection de la Nature) avaient pourtant rendu, le 27 janvier 2022, un avis défavorable à l’unanimité (voir le rapport du CNPN) : “Le CNPN insiste une nouvelle fois sur la demande exprimée dans ses précédents avis, de recherche de mesures alternatives visant la conduite des troupeaux en vue d’une plus-value de biosécurité. Cette modalité pourtant présentée comme vectrice d’une forte amélioration de la probabilité de contrôle du foyer quel que soit le scénario (cf. saisine ANSES 2014-SA-0218) n’a jamais été soumise comme mesure complémentaire à évaluer dans les saisines ultérieures et n’est pas documentée dans les bilans sur les mesures sanitaires de maîtrise du foyer.“ Et de conclure :  « La biodiversité ne doit pas constituer la variable d’ajustement pour apaiser les conflits ».

Par ailleurs, l’ANSES, dans son rapport du 30 novembre 2021 expliquait que le suivi sanitaire réalisé depuis 2012 montrait que la situation s’est nettement améliorée dans l’ensemble du massif du Bargy et relevait que « la séroprévalence ayant été divisée par 10 et la taille de la population ayant diminué d’un tiers, le nombre de bouquetins infectés présents dans le massif a fortement réduit ». Le rapport indiquait également que le risque de transmission de la brucellose, dans la population et vers d’autres espèces, a fortement diminué depuis 2013 et qu’aucun cas de transmission humaine n’a été relevé depuis cette date.

Le groupe d’expertise collective d’urgence (GECU) indique, lui, que « la contamination de bovins associée à la présence de bouquetins semble plus relever d’une transmission ponctuelle que d’une transmission continue (…) et indique que « l’exposition au danger est rare en raison de faibles occasions de transmission interspécifique directe et très circonscrite dans l’espace et dans le
temps pour les transmissions indirectes ». Enfin, les pièces versées au dossier indiquent que les fromages affinés de plus de 60 jours ou consommés après cuisson ne présentent pas de risques pour le consommateur. 

Engager des procédures juridiques engage des frais importants pour notre association, merci de penser à nous donner un petit coup de pouce !

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